Le « jumelage » numérique : des essais cliniques grâce à l’IA

Publié le: 22 mai 2024

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La mise au point d'un médicament est un processus long, nécessitant énormément de ressources et émaillé d’innombrables incertitudes. L’intelligence artificielle (IA) a longtemps été présentée comme un accélérateur potentiel de ce processus, et la capacité à tirer véritablement le meilleur de cette technologie a été l’un de nos plus grands défis au cours des cinq dernières années. Sanofi n'a pas hésité à mener ce combat, dont l’un des résultats tangibles aujourd'hui se trouve dans la recherche IA menée au niveau de patients virtuels ou « jumeaux numériques ».

Si les « vrais » patients restent indispensables dans les études de phase avancée, les patients virtuels nous permettent de tester nos nouveaux candidats-médicaments avant de les faire entrer en clinique et à différentes phases précoces de leur développement. Grâce aux essais numériques, nous pouvons réaliser plus rapidement de premières évaluations de la sécurité et de l’efficacité des candidats-médicaments, avec une meilleure précision et même réduire le nombre de patients nécessaires aux essais cliniques.

En déplaçant une partie du processus actuel de R-D, vers une plateforme informatique de patients virtuels, on peut tenter de remédier à l’un des plus grands défis de la R&D actuellle – un taux d’échec de 90 % des nouveaux candidats-médicaments au cours du développement clinique – et accélérer les percées pour les patients.

Thomas Klabunde

Responsable Monde de la modélisation translationnelle des maladies chez Sanofi

Comment fonctionne le jumelage numérique?

Les essais numériques avec des patients virtuels ne consistent pas simplement à entrer des données patients dans un modèle d’IA. Ils utilisent plutôt un système de profilage approfondi et une très bonne compréhension des voies et des caractéristiques de la maladie.

En utilisant ce qu’on appelle la pharmacologie des systèmes quantitatifs (QSP) pour modéliser une maladie et les données d’essais cliniques concernant des patients humains, on peut créer des jumeaux numériques de patients humains vus en clinique. Lorsque nous générons des patients virtuels, nous prenons toutes les données disponibles sur la biologie de la maladie, la physiopathologie et la pharmacologie connue, et nous les intégrons dans un cadre de calcul unique.

Thomas Klabunde

Responsable Monde de la modélisation translationnelle des maladies chez Sanofi

Une fois ce cadre mis en place, on peut simuler le mécanisme d’action d’un composé expérimental chez un patient numérique pour comprendre comment ce composé pourrait agir sur les voies ou les facteurs pathologiques connus. On peut aussi essayer de voir comment un médicament approuvé peut fonctionner dans différents contextes de traitement.

Les essais virtuels permettent d'évaluer à la fois l’impact d’un médicament sur la maladie elle-même et les répercussions sur les mesures cliniques susceptibles de changer la vie des  patients. Ainsi, dans une étude sur l’asthme, nous essayons de voir la manière dont un composé peut affecter certaines protéines comme les cytokines qui contrôlent l’inflammation, tout en évaluant son effet sur la fonction pulmonaire, comme le taux d’expiration et d’autres critères importants pour la santé d’un patient, comme le nombre d’exacerbations de la maladie au cours d'une année. Cette approche permet aux chercheurs de déterminer l’efficacité potentielle d’une molécule par rapport à d’autres thérapies disponibles en fonction de leurs mécanismes d'action.

Les patients asthmatiques virtuels : comment tester une nouvelle molécule

Voyons comment cela fonctionne dans le monde réel. Notre nouvelle molécule contre l’asthme a montré des résultats prometteurs lors de l'essai de phase 1B destiné à prouver son mode d'action, mais il existe déjà un grand nombre de traitements disponibles. Avant de passer à la phase clinique suivante, nous avons voulu déterminer si ce produit pouvait apporter aux patients une amélioration significative par rapport à leurs solutions actuelles. Nous avons donc décidé de nous pencher sur  l’efficacité clinique de la molécule chez des patients asthmatiques virtuels.

Ces patients avaient tous les types de cellules et de protéines associés à l’asthme, ce qui nous a permis d'avoir une vue multi-échelle de la maladie. Pour renforcer la confiance dans notre modèle, nous lui avons demandé de prédire l'issue de l’essai clinique de Phase 1b en utilisant des informations décrivant le  produit, mais sans lui donner aucune information provenant de cette étude. Dans cette prédiction de modèle « à l'aveugle », les résultats du modèle se sont avérés bien correspondre aux données observées dans l’étude de Phase 1b.

« Les résultats observés chez les patients asthmatiques virtuels nous ont vraiment incité à accélérer les travaux concernant le rôle potentiel de ce produit contre l’asthme et aussi pour de multiples autres indications », a précisé Thomas.

Accélérer le développement clinique avec des patients virtuels

L’utilisation de patients virtuels peut également améliorer et accélérer la R-D à d’autres égards :

Nous aider à relever les défis du recrutement de patients

Les patients virtuels peuvent compléter les données et, dans certains cas, remplacer les essais cliniques chez l’homme lorsqu’il est difficile ou impossible de recruter des patients humains. Par exemple, dans le cas d’une maladie rare avec différents sous-types de patients, nous avons utilisé des données issues d’essais sur des humains dans un sous-type pour créer un essai virtuel simulant le recours au produit dans un autre sous-type et avons pu ainsi réunir des preuves d’efficacité potentielle. En l’occurrence, les patients du deuxième sous-type n’avaient pas une espérance de vie assez longue pour pouvoir participer à un essai clinique randomisé et contrôlé.

La prochaine étape ?

Notre investissement depuis plusieurs années nous a déjà permis de constituer des populations de patients virtuels pour de multiples indications thérapeutiques.  Nous avons élaboré des programmes d’IA pour réduire drastiquement les délais de R-D grâce à une modélisation prédictive améliorée.  En conséquence, nos équipes peuvent faire évoluer et accélérer les processus de recherche de quelques semaines à quelques heures seulement et améliorer l’identification de cibles potentielles dans des aires thérapeutiques telles que l’immunologie, l’oncologie et la neurologie. 

Pourtant, il reste encore à faire.  Dans la mesure où les populations de patients numériques ont besoin de données existantes pour produire des résultats, les modèles actuels sont surtout efficaces lorsqu’il s’agit de traiter des maladies causées par des mutations génétiques uniques et lorsque nous avons une compréhension approfondie de la biologie sous-jacente.  Dans des maladies telles que le cancer, où il existe des inconnues sur le rôle de la génétique et des biomarqueurs et où le microenvironnement tumoral a un impact significatif, les populations de patients virtuels ne jouent pour l’instant qu’un rôle nettement moins important.

La prochaine étape consiste à créer des algorithmes qui peuvent améliorer l’apprentissage profond et anticiper les inconnues dans des maladies plus complexes, afin que les patients virtuels puissent aider à améliorer le développement de médicaments pour un nombre de maladies encore plus important. Notre objectif est de mettre au point un « modèle de base biologique » formé à partir de données biologiques, médicales, de données de la vie réelle et d’essais cliniques pouvant être appliqués à grande échelle dans le développement de médicaments, y compris la prévision de l’efficacité clinique. Un projet de recherche en collaboration avec l’institut BioMedX de Heidelberg, en Allemagne, a déjà été entamé en ce sens.

« Au fur et à mesure que nous avançons dans la fusion de profils complexes issus d’essais humains, la réalisation de cette vision deviendra de plus en plus tangible », espère Thomas. "Notre objectif ultime est d’accélérer la mise au point de médicaments avancés pour les patients, ouvrant la voie à un avenir où les progrès de la santé se surviendront rapidement et sans heurts. »

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