Essais cliniques : tout le monde peut être un héros
Tout a commencé par une petite annonce figurant sur un panneau d’affichage des National Institutes of Health (NIH), à laquelle j’ai répondu. Elle proposait de participer à un essai clinique. Comme de nombreux jeunes au sein des laboratoires des NIH, je voulais gagner un peu d’argent et c’est ce qui m’a incité à y répondre. Et cette décision s’est révélée gagnante : par hasard, elle a fait de moi une héroïne et m’a permis de sauver des vies.
Dr Raolat Abdulai, Global Clinical Lead chez Sanofi, parle de son expérience en tant que volontaire pour les essais cliniques et de l'importance de participer à la recherche.
Pour la première étude à laquelle j’ai participé, j’ai dû passer deux heures dans un appareil IRM à regarder des vidéos. Certaines étaient drôles, d’autres effrayantes. Pendant que je les regardais, les chercheurs scannaient mon cerveau pour identifier les régions cérébrales activées par les différentes émotions que ces contenus suscitaient en moi.
Le lendemain, de retour dans mon laboratoire, une collègue m’a montré son bras. Il était enveloppé d’un film plastique transparent pour protéger les endroits où elle avait reçu des doses d’un médicament expérimental par voie sous-cutanée. Elle participait à une étude qui visait à évaluer l’innocuité d’une nouvelle méthode d’administration d’un ancien médicament.
À l’époque, ni l’une ni l’autre n’avions conscience de l’impact de notre volontariat. Mais en poursuivant ma carrière dans le monde de la recherche clinique et de la médecine, j’ai compris l’impact de ma participation à cette étude. Sans les essais cliniques sur des humains, les chercheurs ne pourraient pas mettre au point de solutions thérapeutiques plus sûres ou plus efficaces pour lutter contre les maladies, et ainsi sauver des vies.
À quoi ressemblerait une pharmacie sans volontaires pour les essais cliniques ? Ce message d'intérêt public est une collaboration entre Sanofi et le Centre d'information et d'étude sur la participation à la recherche clinique (CISCRP).
Respect des volontaires
Aujourd’hui plus que jamais, la participation de volontaires à la recherche clinique est essentielle aux progrès de la médecine. En effet, depuis le début de la pandémie de Covid-19, la médecine a d’autant plus besoin de participants aux essais cliniques. Au fil des années, cependant, les laboratoires ont dû faire face à de grandes difficultés, dont certaines sont toujours d’actualité.1
La publication du rapport Belmont en 19792 a fait date dans l’histoire de la recherche clinique. Celui-ci marquait en effet l’aboutissement de plus de quatre ans de recherches menées par la National Commission for the Protection of Human Subjects of Biomedical and Behavioral Research (Commission américaine pour la protection des sujets humains dans le cadre de la recherche biomédicale et comportementale), formée notamment suite aux expérimentations de Tuskegee sur la syphilis – étude cruelle et tristement célèbre menée, sans leur consentement, sur des hommes afro-américains dans le sud des États-Unis.3
En outre, les volontaires sont souvent consultés sur la conception des essais cliniques, constituant ainsi un « panel de patients » experts. La recherche clinique obéit à un ensemble de directives et règlements internationaux visant à assurer la sécurité et le bien-être des participants aux essais cliniques, quel que soit le pays où ces derniers sont menés.
Un moment important pour les participants aux essais cliniques
Le rapport Belmont2 a profondément modifié la recherche sur des sujets humains et établi trois grands principes éthiques :
- Respect des personnes : reconnaître l’autonomie des personnes et protéger celles qui présentent un niveau d’autonomie diminué.
- Bienfaisance : ne pas faire de tort ; assurer le bien-être des participants en maximisant les avantages possibles et en minimisant les risques.
- Justice : traiter chaque personne équitablement et répartir de manière juste les bénéfices de la recherche.
De nos jours, les essais cliniques sont beaucoup plus encadrés : les volontaires sont davantage considérés comme des partenaires de la recherche, et sont pleinement informés de leurs droits, avantages, et surtout des risques potentiels que représente une telle participation.
Diversité et essais cliniques
En revanche, le troisième principe du rapport Belmont - la « justice » - doit encore faire l’objet d’améliorations. En effet, on observe un manque troublant de diversité parmi les participants aux essais cliniques. Les personnes de couleur et appartenant à des minorités restent sous-représentées dans les recherches sur des maladies qui, pourtant, touchent de manière disproportionnée ces mêmes communautés.
Nous devons activement encourager les minorités, en particulier les femmes, à participer davantage aux essais. Les chercheurs tentent en effet de sensibiliser ces groupes de population à l’importance de leur participation pour combattre les maladies qui touchent leurs communautés, mais ces efforts doivent être intensifiés car la plupart des personnes n’ont aucune idée qu’elles peuvent elles aussi être de véritables héros.
Sous-représentation dans la recherche
Un rapport de 2020 de la Food and Drug Administration (FDA - Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux) estime qu'à l’échelle mondiale, les blancs représentent environ 78,6 pour cent des participants aux essais cliniques, tandis que les asiatiques ne représentent que 12 pour cent, et les noirs d’origine africaine 5 pour cent.4 Cette répartition déséquilibrée ne représente pas la diversité des populations humaines. La FDA a également indiqué qu'en 2019, 48 nouveaux médicaments avaient été approuvés grâce à la participation de 46 931 volontaires à des essais cliniques.5 Parmi ces participants, 9 pour cent étaient noirs ou afro-américains, et pour les essais oncologiques, seuls 4 pour cent étaient noirs ou afro-américains.5 Pourtant, ce groupe représente 13,4 pour cent de la population totale des États-Unis.6
Ce déséquilibre a de lourdes conséquences compte tenu de la prévalence des cancers agressifs au sein de la population afro-américaine. Par exemple, le cancer du poumon est 15 pour cent plus répandu chez les hommes noirs, et le myélome multiple touche 2,5 à 3,5 fois plus d’hommes et de femmes noirs de moins de cinquante ans que d’hommes et de femmes blancs de la même catégorie.7 Nous savons également que les femmes et les personnes de couleur peuvent réagir de manière différente à un même médicament en raison de variations génétiques.8
La diversité dans les essais cliniques peut contribuer à sauver des vies
Faute de diversité parmi les participants aux essais cliniques, les différences liées à l’origine ethnique et au sexe sont peu prises en compte dans l’étude des réactions du corps humain aux médicaments or, celle-ci permettrait de sauver des vies.
L’impact positif des inhibiteurs de la tyrosine kinase chez les femmes asiatiques atteintes de certaines formes de cancer du poumon en est l’illustration. Ces médicaments ont permis de réduire de 26 pour cent la mortalité au sein de cette population, contre seulement 16 pour cent chez les hommes non-asiatiques.9 Cette observation n’aurait pas été possible sans la participation héroïque de femmes volontaires aux recherches sur ces médicaments.
La voie à suivre pour devenir un héros des essais cliniques
Je vous encourage, à l’occasion de la Journée internationale de la recherche clinique, ou n’importe quel autre jour, à prendre contact avec une personne de votre entourage qui a participé à des essais cliniques, à lui poser des questions sur son expérience et à la remercier de sa contribution aux progrès de la médecine. J’ai eu de la chance : comme je travaillais dans un laboratoire de recherche, la possibilité de devenir une héroïne s’est offerte à moi, mais nous ne pouvons pas compter uniquement sur des heureux hasards pour favoriser la diversité au sein des participants aux essais cliniques, si essentielle aux avancées scientifiques et à la prospérité de la société dans son ensemble. Nous devons agir activement pour appliquer pleinement le troisième principe de justice et faire en sorte que les essais cliniques sur l’humain soient profitables à tous.
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Références
- Al Idrus A (2020) 2021 forecast: Clinical trial diversity has long been a thorn in biopharma's side, but 2020 could turn things around. Fierce Biotech, published online 22 December. Accessed 28 April 2021 from https://www.fiercebiotech.com/biotech/clinical-trial-diversity-has-long-been-a-thorn-biopharma-s-side-but-2020-could-turn-things
- United States Department of Health, Education, and Welfare (1979) The Belmont Report. Accessed on 20 April 2021 at https://www.hhs.gov/ohrp/regulations-and-policy/belmont-report/index.html
- United States Centers for Disease Control. The Tuskegee Timeline. Last updated 2 March 2020; accessed 20 April 2021 at https://www.cdc.gov/tuskegee/timeline.htm
- United States Food and Drug Administration (2020) 2015-2019 Drug Trials Snapshots: Five-Year Summary and Analysis of Clinical Trial Participation and Demographics. Accessed on 19 May 2021 at https://www.fda.gov/media/143592/
- United States Food and Drug Administration (2020) 2019 Drug Trials Snapshots: Summary Report. Accessed on 20 April 2021 at https://www.fda.gov/media/135337/download
- United States Census Bureau (2020) Demographic Analysis. Accessed on 20 April 2021 at https://www.census.gov/programs-surveys/decennial-census/about/coverage-measurement/da.html
- DeSantis CE, Miller KD, Goding Sauer A, et al. (2019) CA: A Cancer Journal for Clinicians 69:211-233; doi: 10.3322/caac.21555
- Coakley M, Fadiran EO, Parrish LJ, et al. (2012) J Womens Health 21:713-716; doi: 10.1089/jwh.2012.3733
- Becker DJ, Wisnivesky JP, Grossbard ML, et al (2017) Clin Lung Ca 18 :e35-340 ; doi : doi.org/10.1016/j.cllc.2016.08.008.