Vers plus d'inclusion : L'industrie du futur, une réponse à la quête de sens et aux enjeux d'inclusion dans notre société ?
Si on vous dit usine et inclusion ? Quel est le rapport, vous demandez-vous. Avant de rencontrer Ana Alves, la directrice de l’industrialisation des vaccins ARN Messager chez Sanofi, on s’est posé à peu près la même question. La réponse est dans les crises climatique et sanitaire, la quête de sens et même la robotisation de l’industrie. On vous raconte.
« Les Français n’aiment pas leur industrie », a déclaré en 1973 le président Pompidou. Voilà un constat qui a dû faire retourner dans sa tombe les premiers artisans d’un savoir-faire français, et donc d’une forme d’industrie. À commencer par Colbert et le roi Soleil. L’histoire a donné raison à Pompidou. La France s’est désindustrialisée ; aujourd’hui, elle ne représente plus que 13% du PIB.
La crise du Covid-19 a agi en révélateur assez cruel d’une industrie française déplumée, dépendante d’autres pays et même, peu diverse - où la part des femmes stagnait à peine 30% avec des machines hostiles à ces dernières et aux personnes en situation de handicap. Oui, certes… Si la pandémie a accéléré sa transformation, au contact de la révolution numérique, l’industrie a essaimé quelques premières graines - et pistes de réflexion.
Au fond, du fantasme d’une industrie 4.0 automatisée et ultra-connectée, le secteur, à l’aune de l’urgence climatique et de la crise sanitaire, est passé à une vision plus mature de l’usine du futur : sobre, plus inclusive et diverse. La réindustrialisation est en marche. Armée de jumeaux numériques, de cobotique et même parfois, d’IA, elle compte attirer des profils plus jeunes, plus divers. L’espoir pour Sanofi (et les autres acteurs de l’industrie française) d’apporter une réponse au phénomène de Grande Démission et de la quête de sens au travail qui frappent, du reste, tous les acteurs de l’économie.
À l’usine, rien tout est nouveau
Le parcours d’Ana Alves traduit bien cette métamorphose. Lors du Covid, elle s’est retrouvée en première ligne. À Compiègne, en Picardie, elle a dirigé l’usine qui produisait le Doliprane, un médicament prescrit en première attention, lors des premières heures, semaines, mois de la crise sanitaire. Elle dirige désormais le site industriel de Neuville sur Saône, un lieu qui devrait accueillir la première unité de production évolutive du groupe.
Dans les faits, l’usine sera en mesure de produire trois à quatre vaccins différents. Une deuxième unité de production du même calibre devrait voir le jour à Singapour. En charge de ce projet baptisé « Evolutive Vaccine Facility », la directrice a ajouté à sa casquette, le rôle de directrice de l’industrialisation des vaccins ARN Messager. Ce faisant, Sanofi pose les jalons de sa vision de l’usine du futur et a investi « près d’un milliard d’euros » dans la construction de ces deux unités de production.
A quoi ressemblera cette fameuse usine du futur, demande-t-on à la responsable. Et au fond, où se logeait le problème ? « L’automatisation des tâches, amenée par la cobotique, rend beaucoup plus accessible un certain nombre de métiers qui étaient plutôt physiques, répond Ana Alves. D’ailleurs, nous intégrons l’ergonomie dans chaque conception de nouvelles unités de production, afin que les métiers en usine soient accessibles au plus grand monde. » En plus de 25 ans de carrière, c’est la première fois qu’elle observe une telle mutation. « Ergonomie, pénibilité, mais aussi équilibre vie privée-vie pro sont entrées dans la conversation ».
Les machines, parées de fonctions automatisées, permettent d’éviter le travail de nuit ou de week-end. « C’est d’autant plus important à l’heure où le secteur doit pouvoir attirer davantage de personnes », rappelle-t-elle. L’automatisation n’est pas la seule technologie à avoir obtenu ses entrées dans l’usine. Depuis quelques années, les réalités virtuelle et augmentée constituent un des nouveaux supports de formation de l’industrie. Une manière indolore d’enseigner, et d’y associer une dimension empirique. « C’est tout de même beaucoup plus simple d’appréhender comment les équipements fonctionnent ». Que ce soit en réalité augmentée ou virtuelle, ou via un jumeau numérique (soit la simulation d’un processus), le futur opérateur apprend à la fois théorie et pratique.
Pour que l'industrie ait un avenir, elle doit être durable.
Ana Alves
Head of Evolutive Facility and Manufacturing & Supply, Neuville
Plusieurs pilotes dans l’avion
« Je crois que demain, on n’aura plus d’opérateurs, mais des pilotes des outils de production, se réjouit Ana Alves. Vous savez, avant, dans les usines de pharma, aux fonctions encadrantes, on trouvait soit des ingénieurs, soit des pharmaciens ». Ces derniers ne sont plus majoritaires et sont en train de faire à des profils de gens « qui même s’ils ne sont pas des experts, sont à la fois à l’aise avec les outils et savent animer une équipe ». L’environnement change très vite. « Finie, la pensée que l’industrie n’est pas faite pour moi ».
Course aux talents, mutations de la valeur travail… Sanofi œuvre aussi à répondre au besoin grandissant des salariés de trouver du sens à leur travail. Ces dernières années, la fonction RSE a pris une place de plus en plus importante au sein des grandes entreprises, demandes des clients et des salariés obligent. La fabrique de médicaments fait aussi sa transition verte : « Pour que l’industrie réussisse son futur, il faut qu’elle soit durable ».
En marge de la conscience climatique, la crise sanitaire a remis le sens de la production, des usines au cœur de la cathédrale. « Lors de la première vague de la pandémie, on a observé deux types de réaction : certains étaient terrifiés, d’autres - beaucoup - se sont sentis investis d’une mission, se souvient la directrice. Si je ne viens pas, qui va le faire à ma place ? ».
Quand Ana Alves dit diversité, on se demande si elle n’en a pas une définition qui va au-delà de la question de l’inclusion, qui est inscrite dans le monde contemporain. Elle sourit. « Oui, quand je dis diversité, je crois que j’entends aussi diversité dans les équipes, parce qu’elle est représentative du monde dans lequel on vit ». Plus riche, et aussi, plus politique dans le sens originel du terme, au centre des besoins de la Cité…
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1 décembre 2023